Pour lutter contre le niveau extravagant de 18% d’absentéisme de ses 48 employés communaux (1), un maire a trouvé la recette magique : attribuer une prime de 50 euros mensuels à ceux qui ne sont jamais absents. Et selon l’article du Figaro qui mentionne cette brillante initiative, cela marche ! «Je suis tombé à moins de 4% d’absentéisme ces deux dernières années. Le bénéfice net pour la ville est de 180.000 euros, soit six employés équivalent temps plein» se félicite le maire…En effet, pourquoi ne se réjouirait-on pas d’un résultat aussi spectaculaire obtenu aussi simplement ?

Quitte à passer pour un rabat-joie, il me semble cependant que cette histoire présentée comme heureuse est en fait révélatrice d’une profonde carence de management, pour au moins trois raisons.
La première est que la méthode retenue ne s’attaque pas aux causes de cet absentéisme invraisemblablement élevé. Cette prime révèle l’impuissance à agir du management pour éliminer les causes d’absentéisme. Même si dans le contexte particulier d’une mairie, il faut reconnaître que la tentation de bénéficier pleinement d’un « droit » d’indemnisation des absences pour raisons de santé peut être forte : le système permet en effet d’y maintenir intégralement sa rémunération pendant trois mois, et il est donc juridiquement possible (sinon juste..) de s’absenter environ 25% du temps chaque année sans perte de salaire. De quoi réaliser un passage officieux aux 30 heures par semaine, financé par l’Assurance Maladie, sans prendre le moindre risque disciplinaire…Si les raisons de venir travailler ne l’emportent pas, comment rester vertueux ? A cette question clé, le management répond en substance : « nous savons bien qu’il y a des abus, mais nous ne voulons pas nous mêler de vos raisons d’absence, en revanche nous récompenserons ceux qui seront régulièrement présents ». Une façon de masquer son impuissance par une générosité de façade…
La seconde est que toute prime de présence est intrinsèquement absurde, à moins de considérer que présence et exécution du travail ne sont pas liées. Sauf cas particulier, le devoir de présence s’impose contractuellement et la rémunération est la contrepartie du service rendu pendant le temps de travail. Ajouter une prime de présence, c’est dire aux collaborateurs : « vous êtes payés parce qu’un jour vous avez signé votre contrat de travail, mais si en plus vous venez travailler, vous aurez un supplément de salaire ! » On objectera à juste titre que c’est injuste, parce que ceux qui abusent du système de protection sont traités de la même manière que ceux qui jouent le jeu. Ce qui nous amène à notre dernière critique.
La troisième est qu’il est vain d’espérer établir durablement une équité par une technique ou une procédure. Dans le cas particulier, le système mis en place est décrit comme strict. Aucune absence n’est tolérée : aucune exception à cette règle, ni pour un congé maladie court ou long, ni pour un enfant malade…Pas de place donc pour l’interprétation des circonstances ou la prise en compte de réalités qui s’imposeraient aux employés de bonne volonté. La règle retenue est purement arithmétique et automatique, et se veut juste et inattaquable. Là où il faudrait de la proximité, de l’écoute, de l’exigence bienveillante et du jugement humain pour donner du sens au travail et répondre aux besoins de reconnaissance de chacun, la formule retenue propose un calcul d’ordinateur. Un peu court…
(1) Voir ici analyse comparée de l’absentéisme entre secteur privé et secteur public